On va être honnêtes : la santé mentale des ados, ça fait un peu peur à beaucoup de parents. Entre les hormones, les portes qui claquent, les « laisse-moi tranquille » et les infos anxiogènes, ce n’est pas évident de savoir quand s’inquiéter… et surtout quoi faire.
En Belgique, les chiffres ne sont pas rassurants : de plus en plus de jeunes parlent de mal-être, d’angoisse, de décrochage scolaire. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’en famille, on peut vraiment faire une différence. Pas besoin d’être psy. Juste présent, attentif… et un peu outillé.
Pourquoi la santé mentale des ados est sous pression (et ce n’est pas “juste une phase”)
On entend souvent : « Oh, tu sais, c’est l’adolescence, ça va passer. » Oui… et non.
L’adolescence, c’est normal que ce soit mouvementé. Leur cerveau est en travaux, ils cherchent qui ils sont, ils se comparent aux autres en permanence, ils vivent leurs émotions à 200 %. Mais aujourd’hui, il y a quelques « couches » en plus :
- Pression scolaire (options, orientations, réussite, redoublement…)
- Réseaux sociaux et comparaison permanente
- Anxiété liée au climat, à l’actualité, à l’avenir
- Post-Covid : isolement, difficultés à revenir à la « vie normale » pour certains
- Familles sous pression (budget, charge mentale, séparations, etc.)
Résultat : certains jeunes s’en sortent, d’autres s’épuisent, d’autres encore s’isolent complètement. L’enjeu pour nous, parents, ce n’est pas de tout régler. C’est de repérer quand le mal-être dépasse le « normal » et commence à devenir dangereux.
Les signaux d’alerte à surveiller (sans devenir parano)
Ton ado ne va pas te dire : « Maman, je pense que ma santé mentale se dégrade, pourrais-tu m’orienter vers un professionnel ? » Dommage, ça nous simplifierait la vie. En réalité, ça va plutôt passer par des changements de comportement.
Quelques signaux importants à repérer, surtout s’ils durent plusieurs semaines :
- Changements d’humeur extrêmes : colères disproportionnées, crises de larmes fréquentes, irritabilité permanente, tout le monde l’énerve.
- Isolement : il/elle s’enferme dans sa chambre, ne voit plus ses amis, refuse les activités qu’il/elle aimait avant.
- Sommeil perturbé : ne s’endort plus, se réveille la nuit, cauchemars, ou au contraire dort énormément et reste épuisé.
- Appétit modifié : mange beaucoup moins ou beaucoup plus qu’avant, obsessions sur le poids, le corps, les calories.
- Baisse scolaire brutale : résultats en chute libre, absences répétées, refus d’aller à l’école, remarques des profs.
- Perte d’intérêt : plus d’envie, plus de motivation, « j’m’en fous » pour tout.
- Comportements à risque : alcool, cannabis, conduites dangereuses, fugues, nouvelles fréquentations inquiétantes.
- Somatisations : maux de ventre, de tête, nausées très fréquents, surtout le matin avant l’école.
- Discours inquiétant : « de toute façon je sers à rien », « vous seriez mieux sans moi », « j’ai envie de disparaître ».
Un seul signe, un jour, ce n’est pas forcément grave. On a tous des mauvaises semaines. Mais si plusieurs de ces signaux s’installent dans le temps, si tu as un « mauvais pressentiment » qui dure, écoute-toi.
Règle simple que je me suis faite avec mes propres enfants : si je me pose la question « est-ce que je dramatise ? » trois fois dans la même semaine… c’est que je dois en parler à quelqu’un de l’extérieur.
Comment ouvrir le dialogue sans braquer ton ado
Le plus dur, souvent, c’est de parler. On a peur d’en faire trop, ou pas assez. On ne sait pas comment formuler. On craint de « donner des idées » si on parle de sujets graves.
Bonne nouvelle : poser des questions n’aggrave pas la situation. Au contraire, ça peut soulager ton ado. Quelques pistes concrètes :
- Choisis le bon moment : en voiture, en marchant, en cuisinant ensemble. Les ados parlent mieux quand ils ne sont pas « face à face interrogatoire ».
- Parle de toi d’abord : « Je remarque que ces derniers temps, tu as l’air plus triste/fatigué/inquiet. Moi, ça m’inquiète un peu parce que je tiens à toi. »
- Évite les jugements : bannir « tu es », « tu fais n’importe quoi », « tu dramatises ».
- Préfère les questions ouvertes : « Comment tu te sens en ce moment ? », « Qu’est-ce qui te pèse le plus ces temps-ci ? »
- Normalise le fait de ne pas aller bien : « Ça arrive à tout le monde de traverser des périodes compliquées. Ce n’est pas un échec, et tu n’es pas bizarre. »
Quelques phrases toutes faites qui peuvent aider, à adapter à ton style :
- « Je vois que ce n’est pas facile pour toi en ce moment, et je ne veux pas te laisser gérer ça tout seul. »
- « Je ne vais pas te juger. Je veux juste comprendre ce que tu vis pour pouvoir t’aider comme tu en as besoin. »
- « Si tu n’as pas envie d’en parler avec moi maintenant, c’est ok. Mais je veux que tu saches que je suis là, vraiment. »
- « Si tu préfères parler à quelqu’un d’autre qu’à moi, on peut chercher ensemble. Je ne le prendrai pas mal. »
Et si ton ado t’envoie balader ? Ça arrive. Respire. Tu peux simplement répondre : « D’accord, je te laisse tranquille pour l’instant. Mais je reste attentive, et si tu as besoin, je suis là. » Puis revenir plus tard, sans harcèlement, mais sans abandonner non plus.
Quand la situation devient urgente : les signes à ne pas minimiser
Il y a des cas où on ne peut plus attendre que « ça passe ». En Belgique, les services d’urgence et les lignes d’écoute le répètent : il vaut mieux appeler pour rien qu’attendre trop longtemps.
Consulte rapidement (médecin, pédiatre, service de santé mentale, urgences psychiatriques) si :
- Ton ado parle clairement de vouloir mourir, disparaître, se faire du mal.
- Tu retrouves des traces de scarifications, médicaments cachés, recherches sur le suicide.
- Il/elle a un comportement très différent de d’habitude, comme « absent », déconnecté, ou au contraire hyper agité.
- Il/elle ne mange presque plus, perd beaucoup de poids en peu de temps, ou vomit volontairement.
- Il/elle consomme beaucoup d’alcool ou de drogues en peu de temps, ou cumule des comportements dangereux.
En Belgique, tu peux notamment :
- Appeler le 103 – Écoute-Enfants (jeunes et parents, anonyme, gratuit).
- Appeler la ligne 107 (crise psychologique).
- Te rendre aux urgences de l’hôpital le plus proche, ou au service d’urgences psychiatriques.
- Contacter un service de santé mentale (SSM) ou une maison de l’ado s’il y en a une dans ta région.
Et non, tu ne seras pas « le parent qui exagère ». Tu seras juste le parent qui prend au sérieux la souffrance de son enfant.
À qui s’adresser en Belgique quand on s’inquiète (sans y passer des mois)
Le parcours peut sembler flou. Qui appeler ? Par où commencer ? Quelques options concrètes :
- Médecin généraliste ou pédiatre : souvent la première porte d’entrée. Il/elle peut évaluer la situation, prescrire si nécessaire, orienter vers un psy, un pédopsychiatre, un service adapté.
- CPMS / PMS de l’école : en Fédération Wallonie-Bruxelles (CPMS) et en Flandre (CLB), ces centres ont des psychologues, assistants sociaux, infirmières. Tu peux les contacter directement comme parent.
- Centres de santé mentale (SSM) : consultations psy souvent à tarif réduit, parfois listes d’attente mais ça vaut la peine d’appeler.
- Maisons médicales : certaines proposent un soutien psy intégré à des prix accessibles.
- Psychologues indépendants : en Belgique, il existe des psychologues conventionnés qui permettent des séances remboursées en partie (renseigne-toi auprès de ta mutuelle).
- Lignes d’écoute et chats en ligne : 103 Écoute-Enfants, SOS Jeunes (02/512.90.20), Télé-Accueil (107), services en ligne pour les jeunes comme « Aide-En-Ligne », « Yapaka » pour les infos aux parents.
Astuce pratique : note dans ton téléphone les numéros importants (103, 107, médecin traitant, CPMS de l’école). Dans le stress, on oublie vite.
Ce que tu peux mettre en place à la maison pour soutenir ton ado
Tu ne peux pas tout régler. Mais tu peux créer un environnement qui aide ton ado à remonter la pente et à se sentir moins seul.
Quelques leviers concrets :
- Alléger la pression : si tout devient une bataille (devoirs, chambre, écrans…), choisis tes priorités. Quand la santé mentale est fragile, on lâche un peu sur le reste.
- Garder quelques routines : heure de lever pas trop tardive, repas plus ou moins réguliers, un minimum de lumière du jour chaque jour.
- Moments neutres ensemble : regarder une série, cuisiner, faire un tour en voiture, passer au drive… Sans parler obligatoirement du problème, juste être là.
- Limiter les tensions familiales : si possible, éviter les grandes engueulades devant l’ado déjà en difficulté. On règle les gros conflits d’adultes hors de sa présence.
- Valider ses émotions : plutôt que « ce n’est pas grave », dire « je vois que pour toi, c’est très difficile ».
- Encourager les petites victoires : se lever avant midi, retourner un cours, envoyer un message à un ami… On célèbre le petit pas, pas seulement le bulletin scolaire.
Chez nous, j’ai déjà fait cette phrase à mon ado : « Pour l’instant, ta seule mission, c’est de tenir le coup. Les points, les performances, on en reparlera plus tard. » Juste ça, j’ai vu ses épaules se baisser d’un cran.
Et pour les parents, on en parle ? (spoiler : tu as le droit de trouver ça dur)
Accompagner un ado en souffrance, c’est épuisant. On doute, on a peur, on dort mal, on se dispute en couple sur la « bonne manière de faire », on culpabilise.
Tu as le droit :
- D’être dépassé.
- De ne pas savoir quoi dire.
- D’avoir peur de mal faire.
- D’avoir besoin d’aide toi aussi.
N’hésite pas à :
- Parler à un ami, un membre de la famille qui ne juge pas.
- Demander un rendez-vous seul avec le médecin ou le psy de ton enfant pour poser tes questions.
- Contacter un service de soutien à la parentalité (il en existe plusieurs en Belgique, souvent gratuits ou à bas prix, via les maisons de quartier, les ONE, les mutualités).
- Alléger certaines charges : repas plus simples, ménage pas parfait, activités mises sur pause… On n’est pas en mode Instagram, on est en mode survie.
Un parent qui tient à peu près debout, c’est déjà un énorme soutien pour un ado qui vacille.
Quelques repères pour faire le point en famille
Pour t’aider à savoir où vous en êtes, tu peux te poser ces questions (sans te juger) :
- Est-ce que mon ado a au moins une personne adulte à qui il peut parler librement (parent, prof, animateur, psy…) ?
- Est-ce qu’il/elle a au moins une activité ou un espace où il/elle se sent plutôt bien (sport, jeu vidéo en ligne, dessin, musique, amis…) ?
- Est-ce que nous arrivons, de temps en temps, à passer un moment calme ensemble sans dispute ?
- Est-ce que les idées noires, la tristesse, l’angoisse durent depuis plus d’un mois et semblent s’aggraver ?
- Est-ce que nous avons déjà parlé clairement de ce qu’il/elle ressent, sans minimiser ni dramatiser ?
- Est-ce que nous avons contacté au moins un professionnel pour demander un avis ?
Si plusieurs réponses te font mal au ventre, c’est le signal pour demander du renfort. Tu n’as pas à porter tout ça seul.
À retenir pour les jours de doute
Quelques phrases à garder quelque part, pour les soirs où tu te demandes si tu fais les choses « comme il faut » :
- Ce n’est pas parce que mon ado ne parle pas qu’il ne souffre pas.
- Ce n’est pas parce que mon ado rit parfois qu’il va bien.
- Ce n’est pas parce que je demande de l’aide que je suis un mauvais parent.
- Ce n’est pas parce qu’il/elle va mal maintenant qu’il/elle ira mal toute sa vie.
- Être là, écouter, rester présent, c’est déjà énorme.
La santé mentale des ados, ce n’est pas une histoire de parents parfaits ni de familles idéales. C’est une histoire de liens, de petits signaux qu’on apprend à repérer, de conversations maladroites mais sincères, de rendez-vous pris même quand on n’a pas le temps.
Si tu es en train de lire ça en te disant « ça ressemble un peu à ce que je vis », garde ceci en tête : tu peux agir. Un appel, un message, une conversation ce soir dans la cuisine… Chaque petit pas compte.