Demander un crédit hypothécaire en Belgique, c’est déjà sport. Le faire avec un ou plusieurs enfants, c’est carrément une course d’obstacles : nuits hachées, factures de crèche, voiture à changer “parce que trois sièges auto, ça ne rentre pas dans une Clio”… et une banque qui veut des chiffres clairs.
La bonne nouvelle : plus votre dossier est préparé, plus le rendez-vous à la banque est simple. Et non, il ne faut pas être expert en finance pour y arriver. Juste un peu d’organisation, quelques chiffres clés… et une bonne dose de réalisme.
Ce que la banque regarde vraiment quand vous avez une famille
Avant de parler de papier, il faut comprendre ce qui se passe dans la tête de la banque. En gros, elle se pose trois questions :
-
Est-ce que ce ménage rembourse ses factures sans retard ?
-
Est-ce que ses revenus sont stables ?
-
Est-ce qu’il lui reste assez pour vivre après le remboursement ?
Avec des enfants, le troisième point devient central. On n’a pas le même budget à 2 qu’à 4 ou 5. La banque va donc regarder :
-
Le nombre d’enfants à charge (composition de ménage).
-
Les frais fixes liés aux enfants (crèche, écoles, garde, pension alimentaire éventuelle).
-
Le niveau d’endettement total : idéalement, vos mensualités de crédits ne dépassent pas 30 à 35 % de vos revenus nets.
La clé, c’est d’arriver avec un dossier qui répond déjà à ces questions. Vous montrez que vous avez réfléchi à votre budget de famille, pas juste à “je veux cette maison parce qu’elle a un jardin”.
Étape 1 : faire le point sur vos finances de famille (sans filtre)
Avant même de prendre rendez-vous, prenez un soir (oui, après le coucher des enfants…) pour faire le point sur votre situation.
Commencez par vos revenus mensuels nets :
-
Salaires nets (contrat CDI, CDD, temps plein, temps partiel).
-
Allocations de chômage, mutuelle, etc. si c’est votre cas.
-
Allocations familiales (en Belgique, c’est un plus, surtout pour les familles nombreuses).
-
Revenus complémentaires stables (indépendant complémentaire, pension alimentaire reçue, etc.).
Ensuite, listez vos charges fixes :
-
Loyer actuel.
-
Crédits en cours (voiture, prêt personnel, carte de crédit, etc.).
-
Abonnements (télécom, TV, salles de sport qu’on n’utilise plus, mais qu’on paye encore…).
-
Assurances.
-
Crèche / garderie / école / activités des enfants.
Et, très concrètement, notez aussi :
-
Combien vous dépensez par mois en courses.
-
Combien il vous reste en fin de mois (en vrai, pas en théorie).
Vous pouvez faire un petit tableau simple dans Excel ou sur une feuille. Ça vous servira pour :
-
Montrer à la banque que vous maîtrisez votre budget.
-
Vérifier vous-même si la mensualité que vous visez est réaliste.
Étape 2 : savoir combien vous pouvez raisonnablement emprunter
Non, la banque ne va pas juste vous dire “voilà, vous pouvez emprunter 300 000 €” comme ça. Elle va faire ses calculs. Vous pouvez les anticiper.
En pratique, en Belgique :
-
Les banques préfèrent que vos mensualités de crédits (maison + autres crédits) restent sous les 30–35 % de vos revenus nets.
-
Plus vous avez d’enfants, plus elles seront prudentes sur le montant maximal.
-
Elles apprécient que vous ayez un apport propre (10 à 20 % du prix du bien + frais).
Un exemple très simplifié :
Vous êtes deux, revenus nets du ménage : 3 500 € / mois, un enfant, un crédit voiture à 200 € / mois.
-
35 % de 3 500 € = 1 225 €.
-
Vous payez déjà 200 € de crédit voiture.
-
Il reste environ 1 025 € “maximum théorique” pour le crédit maison.
Est-ce que vous avez envie de vivre avec une marge aussi tendue ? Avec un enfant (ou plus) qui tombe malade “toujours la semaine où il reste 3 € sur le compte” ? C’est là que votre propre confort de vie entre en jeu.
Astuce : utilisez un simulateur de crédit hypothécaire (ceux des banques belges sont assez clairs) pour voir combien représente, en mensualité, un crédit sur 20, 25 ou 30 ans. Ça donne vite une réalité concrète : “OK, pour cette maison à 280 000 €, avec notre apport, ça fait environ X € par mois.”
Étape 3 : la checklist des documents à préparer en Belgique
Pour éviter l’effet “ah oui, il nous manque ça, vous pouvez renvoyer par mail ?” (x 4), arrivez avec tout ce qu’il faut. En Belgique, les banques demandent en général :
Pour chaque emprunteur :
-
Carte d’identité.
-
Les 3 dernières fiches de paie.
-
Le(s) dernier(s) avertissement(s) extrait(s) de rôle (impôts).
-
Contrat de travail (surtout si vous êtes en CDD ou que vous avez changé récemment).
-
Pour les indépendants : bilans comptables, avertissements extraits de rôle, éventuellement situation provisoire.
Documents liés à votre situation familiale :
-
Composition de ménage (facile à demander à votre commune ou via e-guichet).
-
Jugement de divorce ou convention en cas de garde alternée / pension alimentaire.
-
Preuves d’allocations familiales et de pensions alimentaires reçues si vous voulez les faire prendre en compte.
Documents bancaires :
-
Extraits de compte des 3 derniers mois (ou 6, selon les banques).
-
Liste de vos crédits en cours (voiture, prêt mariage, carte de crédit…).
Documents liés au bien immobilier (si vous en avez déjà un en vue) :
-
Compromis de vente ou projet de compromis.
-
Annonce du bien avec le prix, description, PEB.
-
Estimation éventuelle d’un notaire ou d’un expert.
Perso, je conseille toujours :
-
Un classeur ou une pochette avec des intercalaires (Revenus / Famille / Banques / Bien immobilier).
-
Une version scannée de tout ça, prête à être envoyée par mail.
Étape 4 : mettre vos comptes en ordre avant le rendez-vous
Oui, la banque va regarder vos extraits de compte. Non, il ne s’agit pas d’être parfait, mais d’éviter certains signaux rouges :
-
Découverts répétés ou autorisations de découvert dépassées.
-
Retards de paiement (loyer, crédits, factures d’énergie).
-
Jeux d’argent en ligne très fréquents.
-
Achats “compulsifs” pas du tout cohérents avec vos revenus.
Si, comme chez nous, la fin du mois ressemble parfois à un slalom entre virements permanents et “on décale cette facture à la semaine prochaine”, essayez de :
-
Stabiliser vos comptes sur les 3 mois qui précèdent la demande.
-
Réduire ou solder un petit crédit si c’est possible (un crédit à la consommation à 80 € / mois en moins, ça change votre taux d’endettement).
-
Annuler les abonnements inutiles (la banque verra aussi que vous gérez activement votre budget).
Vous pouvez aussi placer un peu de côté, même si ce n’est pas énorme. Un petit épargne régulière montre votre capacité à mettre de l’argent de côté, même avec des enfants.
Étape 5 : anticiper les vrais coûts d’une maison avec enfants
La banque va vous parler mensualité. Mais vous, vous devez penser “coût global”. En Belgique, acheter une maison, c’est aussi :
-
Les droits d’enregistrement (variable selon les Régions, souvent 3 à 12 % du prix, avec parfois des réductions pour habitation propre).
-
Les frais de notaire et d’acte de crédit.
-
Les travaux indispensables (chaudière, électricité, toiture… pas juste la couleur de la chambre des enfants).
-
Les charges mensuelles : chauffage, électricité, assurances, taxes locales.
Avec une famille, il faut aussi intégrer :
-
Les frais de déplacement (école, activités, boulot).
-
Une marge pour les imprévus : lunettes cassées, orthodontie, nouveau siège auto, etc.
Faites un petit exercice à deux :
-
Quel montant de mensualité vous laisse encore une “vraie vie” (sorties, vacances, loisirs pour les enfants), sans stress permanent ?
-
À partir de quel montant vous sentez que ça devient serré ?
C’est cette limite-là qu’il faudra défendre en rendez-vous, même si la banque vous dit “vous pouvez aller un peu plus haut”.
Étape 6 : penser aux aides et spécificités belges pour les familles
En Belgique, selon la Région (Wallonie, Flandre, Bruxelles), il existe parfois des aides ou dispositifs pour faciliter l’accès à la propriété :
-
Réductions de droits d’enregistrement pour l’habitation propre et unique.
-
Prêts “sociaux” via des organismes régionaux (comme la Société Wallonne du Crédit Social, le Fonds du Logement, certaines caisses de crédit social).
-
Prêts verts ou taux préférentiels pour certains travaux de rénovation énergétique.
Si vos revenus ne sont pas énormes ou si vous êtes une famille monoparentale, ça vaut la peine de vérifier si vous entrez dans les conditions. Un coup de fil à votre notaire ou une visite sur les sites régionaux peut vous éviter de passer à côté d’un sérieux coup de pouce.
Astuce : notez ces questions sur une feuille et prenez-la avec vous au rendez-vous. On oublie tout une fois assis devant le conseiller, surtout quand on a dormi 4 heures parce que le petit dernier a fait ses dents.
Étape 7 : préparer votre rendez-vous à la banque ou chez le courtier
Vous avez votre budget, vos documents, vos questions. Reste à structurer ce que vous allez dire. Vous pouvez présenter votre situation en 3 points :
-
Qui vous êtes : “Nous sommes un couple avec deux enfants de X et Y ans, deux CDI, on loue actuellement, on souhaite acheter notre habitation propre.”
-
Votre situation financière : “Nos revenus nets sont de X €, nous avons un crédit voiture de X €, pas d’autres crédits, et X € d’épargne disponible.”
-
Votre projet : “Nous visons un bien autour de X €, plutôt dans telle région, avec la possibilité de faire des travaux de X €.”
Quelques questions utiles à poser au conseiller :
-
Quel montant nous conseillez-vous d’emprunter, au vu de notre situation familiale ?
-
Quel serait le montant de la mensualité sur 20 / 25 / 30 ans ?
-
Est-ce qu’il y a des options intéressantes pour nous (taux fixe, variable, combinaison) ?
-
Que se passe-t-il si un de nous perd son emploi ou passe à temps partiel ?
-
Quelles assurances sont obligatoires et lesquelles sont facultatives ?
Un courtier peut aussi comparer plusieurs banques à votre place. Avec des enfants, gagner quelques rendez-vous et quelques après-midis de congé, ce n’est pas négligeable.
Étape 8 : soigner votre profil d’emprunteur quand on a des enfants
On ne choisit pas tout (ni les crises de colère au supermarché, ni les CDD imposés…), mais certains éléments jouent en votre faveur :
-
Stabilité professionnelle : un CDI, même à temps partiel, rassure plus qu’une succession de CDD très récents.
-
Ancienneté dans votre job actuel : si vous avez changé, soyez prêt à expliquer pourquoi.
-
Gestion des crédits : peu de crédits à la consommation, remboursés correctement.
-
Épargne : même modeste, elle montre votre capacité à économiser.
Si vous avez des “taches” dans votre passé bancaire (retards, fichage), ne les cachez pas. Expliquez :
-
Ce qui s’est passé (perte d’emploi, séparation, problème de santé).
-
Ce que vous avez mis en place depuis (nouveau job, remboursement du solde, plan de paiement terminé).
Les banques préfèrent une histoire claire et assumée à un silence gêné face à un extrait de compte qui parle tout seul.
Les erreurs fréquentes quand on prépare son crédit avec une famille
On les voit souvent, et on les a parfois faites nous-mêmes :
-
Sous-estimer les frais annexes (notaire, travaux, meubles de base… et le fameux “on avait pas prévu que la chaudière lâche la première année”).
-
Accepter une mensualité trop haute “parce que la banque dit que ça passe”. Oui, techniquement, mais à quel prix pour votre quotidien ?
-
Oublier de compter les frais des enfants dans le budget : crèche, activités, garderies d’école, camps de vacances.
-
Changer de job juste avant la demande de crédit sans explication solide à donner.
-
Ne pas comparer plusieurs offres : un petit 0,2 % de différence sur 25 ans, ça représente beaucoup.
Rappelez-vous : l’objectif n’est pas seulement d’obtenir le crédit, c’est de pouvoir le vivre sans avoir l’impression d’être essoré tous les mois.
Faire le point : à quoi doit ressembler votre dossier “prêt”
Avant de décrocher votre téléphone pour prendre rendez-vous, vérifiez :
-
Vous connaissez vos revenus, vos charges, votre taux d’endettement approximatif.
-
Vous avez une idée réaliste du prix du bien que vous visez et de votre apport.
-
Vos comptes sont relativement propres depuis quelques mois (pas de gros dérapages visibles).
-
Tous vos documents sont rassemblés, classés, idéalement aussi en version numérique.
-
Vous avez listé vos questions et votre “limite haute” de mensualité acceptable.
Avec ça, vous arrivez en rendez-vous non pas comme “le jeune couple qui rêve d’une maison avec jardin pour les enfants”, mais comme un ménage qui sait ce qu’il fait, qui connaît sa réalité de parents et qui veut un projet tenable sur la durée.
Parce qu’au final, l’important n’est pas d’avoir la plus grande maison possible, mais un toit solide, un budget respirable… et assez d’énergie (et d’euros) pour profiter de vos enfants dans ce fameux jardin dont vous rêvez peut-être déjà.