Le télétravail, sur le papier, c’est le rêve : pas de trajets en voiture dans les embouteillages belges, pas de sandwich trop cher à midi, la possibilité d’aller chercher les enfants plus tôt à l’école…
Et puis il y a la vraie vie : Teams qui sonne pendant que le petit réclame sa tartine, ado qui passe derrière la caméra en pyjama, patron qui adore planifier des réunions à 8h30 alors que tu es encore en train de négocier les chaussures avec le plus jeune.
Si tu lis cet article, c’est probablement que tu sens que l’équilibre commence à pencher dangereusement. On va voir ensemble comment garder ton job, tes enfants… et ta santé mentale.
Le vrai problème : ce n’est pas toi, c’est le mélange des genres
Avant 2020, le télétravail en Belgique, c’était déjà là, mais surtout dans certaines boîtes « modernes ». Aujourd’hui, beaucoup de parents belges ont au moins un jour de télétravail par semaine. Sur le papier, c’est présenté comme un avantage. Dans la pratique, pour les familles, ça donne parfois :
- Des journées qui commencent à 6h et se terminent à 22h, parce que tu « rattrapes quand les enfants dorment ».
- Des pauses midi qui n’en sont pas vraiment : tu lances une lessive, tu prépares la purée, tu vides le lave-vaisselle.
- Des mails envoyés à 21h30 « parce que c’est plus calme », qui donnent l’impression à ton chef que c’est normal que tu sois dispo tout le temps.
- Des enfants persuadés que « si maman/papa est à la maison, c’est qu’il/elle est dispo », alors que tu es en pleine présentation.
Résultat : ni vraie présence au boulot, ni vraie présence avec les enfants. Juste une impression de courir partout sans jamais finir quelque chose.
La bonne nouvelle : tu n’es pas seul·e. Et non, ce n’est pas une question d’être « mieux organisé ». Il s’agit de revoir certaines règles du jeu.
Faire le point : de quoi ta famille a vraiment besoin (et toi aussi)
Avant de changer quoi que ce soit, prends 10 minutes pour faire un mini diagnostic, à la belge, simple et efficace. Tu peux même le faire avec ton/ta partenaire si vous êtes deux.
Note sur une feuille :
- Quels jours tu es en télétravail (officiel, prévu, pas « quand ça t’arrange »).
- Les horaires de l’école / crèche / nounou des enfants.
- Les moments les plus compliqués de la journée (matin, retour d’école, fin d’après-midi…).
- Les moments où ton boulot demande le plus de concentration (réunions importantes, rédaction, appels clients…).
En général, les grosses tensions se situent toujours aux mêmes endroits : avant 9h, entre 16h et 19h, et parfois le mercredi après-midi (merci les horaires scolaires belges…).
Une fois que c’est posé, on peut réfléchir par zones de la journée, pas en mode « je dois tout changer ». C’est moins décourageant.
Télétravail avec des enfants à la maison : possible ou mission impossible ?
Question qu’on me pose souvent : « Est-ce que je peux vraiment télétravailler avec les enfants à la maison ? »
Réponse honnête : ça dépend de trois choses :
- L’âge des enfants.
- Le type de travail que tu fais.
- La souplesse (ou non) de ton employeur.
Globalement :
- Moins de 3 ans : télétravail + enfant seul à gérer = quasi mission impossible à long terme. Oui, tu peux survivre une journée de grève ou un enfant légèrement malade. Pas cinq jours par semaine. Et non, ce n’est pas parce que tu t’y prends mal, c’est juste que ce n’est pas réaliste.
- Entre 3 et 6 ans : possible pour des demi-journées, avec des activités préparées à l’avance, et des moments « 100 % dispo » pour eux. Mais là encore, pas comme solution permanente.
- Plus de 6 ans : là, on peut commencer à négocier. S’ils sont à l’école la journée, tu peux vraiment avancer. En dehors, avec des règles claires, ça devient gérable.
Donc première étape déculpabilisante : si tu n’y arrives pas avec un bébé dans les bras, ce n’est pas toi le problème. Le télétravail n’est pas pensé pour remplacer une garderie.
Organiser ses journées : un cadre clair, mais flexible
Passons au concret. Comment organiser une journée type de télétravail quand on a des enfants ?
Voici une base que tu peux adapter à ta réalité (horaires belges classiques 8h30-16h pour l’école, par exemple) :
Le matin (6h30 – 9h)
- Si tu es du matin, profite d’1 heure avant le réveil des enfants pour faire une tâche qui demande beaucoup de concentration (rapport, présentation, dossier compliqué).
- Ensuite, de 7h30 à 8h30 : full focus famille. Petit-déjeuner, habillage, sacs, tartines si tu les fais toi-même (la grande spécialité des parents belges…). Pas de mails, pas d’appels.
- Tu annonces clairement : « Je commence à travailler à 9h. Avant, je suis avec vous. » Ça rassure les enfants… et toi aussi.
La journée (9h – 16h)
- Bloque dans ton agenda des plages « injoignable » (par exemple 10h-12h) pour le travail en profondeur. En Belgique, beaucoup d’entreprises ont gardé la culture de la réunion permanente. Si tu ne protèges pas ton temps, il disparaît.
- Planifie tes réunions importantes aux heures où les enfants ne sont pas là (ou sont le plus calmes).
- Fais une vraie pause midi, même 20 minutes, sans écran. Si tu dois lancer une lessive, fais-le, mais évite d’enchaîner avec le nettoyage complet de la cuisine… Sinon tu ne souffles jamais.
Fin d’après-midi (16h – 19h)
- Entre le retour d’école/crèche et le souper, évite autant que possible les réunions. Propose à ton équipe des créneaux alternatifs (9h-11h ou 14h-16h).
- Accorde-toi « 30 minutes tampon » : par exemple 16h-16h30, pour fermer les dossiers, faire une to-do list pour le lendemain, ranger ton espace de travail. Ça évite que le boulot déborde sur la soirée.
- À 16h30/17h : tu annonces clairement aux enfants « Maintenant je suis à vous ». Et tu éteins ton ordi. Oui, vraiment. Oui, même si tu n’as pas tout fini.
Soirée (après 20h30)
- Si ton employeur est flexible et que ça t’arrange, tu peux garder une petite plage 20h30-21h30 pour finir une tâche qui te tient à cœur. Mais ça ne devrait pas être tous les soirs.
- Si tu te surprends à travailler tous les soirs, c’est un signal : soit la charge est trop lourde, soit ton planning de journée n’est pas réaliste. À discuter avec ton supérieur ou RH.
Mettre des limites… et oser les tenir (avec le boulot et avec les enfants)
Le télétravail mélange les frontières. Du coup, pour garder un équilibre, il faut en recréer. Oui, ça veut dire dire non à certaines choses.
Avec ton employeur
En Belgique, beaucoup d’accords de télétravail sont maintenant cadrés : jours fixes, horaires, remboursement internet/électricité, etc. Si ce n’est pas clair dans ton cas, demande un mail ou un document écrit qui précise :
- Le nombre de jours de télétravail par semaine.
- Les horaires durant lesquels tu es censé·e être joignable.
- Ce qui est attendu de toi : plus de productivité ? Disponibilité sur certaines plages ? Résultats plutôt qu’horaires ?
Tu peux dire, par exemple :
« Pour bien m’organiser avec les enfants, j’aimerais qu’on cadre un peu mieux mes jours de télétravail. L’idée, c’est d’être vraiment efficace sur ces journées-là. »
Et si ton supérieur adore t’appeler à 18h30 quand tu es en plein bain des enfants, tu peux répondre calmement :
« À cette heure-là, je suis avec les enfants, mais je peux regarder ça demain matin à 9h. »
Plus tu le fais, plus les autres s’habituent.
Avec les enfants
Quand ils te voient à la maison, les enfants pensent souvent : « Dispo ! ». On ne peut pas leur en vouloir. Il faut donc poser des règles simples, selon l’âge.
Par exemple :
- Pour les 3-6 ans : « Quand la porte est ouverte, tu peux venir me voir. Quand elle est fermée, c’est que je travaille. Tu peux me montrer ton dessin à la prochaine pause. »
- Pour les plus grands : « Si j’ai mon casque sur la tête, c’est que je suis en réunion. Tu peux me faire un petit mot ou attendre que je sorte du bureau. »
Astuce visuelle qui marche bien : un carton « feu rouge / feu vert » accroché à la porte ou posé à côté de ton ordinateur. Rouge = pas maintenant, vert = tu peux venir. C’est bête, mais très parlant pour les enfants.
Aménager un vrai espace de travail (même si tu n’as pas une grande maison)
Pas besoin d’un bureau Pinterest pour être efficace. Mais tu as besoin d’un endroit identifié comme ton espace de travail, pour toi et pour les enfants.
Quelques idées, testées dans des maisons belges pas immenses :
- Un coin du salon avec un bureau pliable que tu ranges le soir.
- Un bout de table de salle à manger, mais avec une caisse ou une desserte à roulettes où tu ranges tout ton matériel à la fin de la journée.
- Un bureau dans la chambre, avec un paravent ou une étagère pour séparer « vie pro » et « vie perso ».
Le geste de « ranger le bureau » à la fin de la journée est essentiel. C’est le signal que le travail est fini. Ça évite aussi la tentation de « juste répondre à un mail » à 21h pendant que tu regardes une série.
Côté matériel, en Belgique, certains employeurs remboursent :
- Une chaise de bureau ergonomique.
- Un deuxième écran.
- Une participation aux frais internet/électricité.
- Parfois même un budget pour aménager un coin télétravail.
N’hésite pas à demander ce à quoi tu as droit. Ça change tout pour ton confort et ta santé (adieu les journées entières avachi sur la chaise de cuisine…).
Utiliser les solutions belges pour souffler un peu
On oublie parfois que, chez nous, on a toute une série de dispositifs qui peuvent aider à rendre le télétravail plus vivable pour les parents.
- Les titres-services : pour le ménage, le repassage, parfois les courses. Subventionnés, déductibles fiscalement. Oui, c’est un budget, mais parfois, se libérer 2-3 heures de nettoyage, c’est précieux.
- Les garderies scolaires : le matin et le soir, dans la plupart des écoles. Même si tu es en télétravail, tu peux décider de laisser les enfants à la garderie jusqu’à 17h pour avoir un vrai bloc de concentration.
- Les congés thématiques (crédit-temps, congé parental, congé pour soins) : en Belgique, on a plusieurs possibilités pour réduire temporairement son temps de travail (avec une allocation de l’ONEM) si tu sens que tu ne tiens plus le rythme.
- Les mutuelles : certaines proposent des aides (aide familiale, soutien à domicile après une hospitalisation, etc.). Ça peut être utile en cas de coup dur.
Parfois, accepter de travailler un peu moins pendant quelques mois, ou d’investir dans de l’aide, c’est ce qui permet à toute la famille de tenir sur le long terme.
Limiter la charge mentale : arrêter de tout faire en même temps
Le piège du télétravail, surtout pour les mamans (mais pas que), c’est le multitâche permanent : répondre à un mail en surveillant la cuisson des pâtes, tout en se rappelant qu’il faut signer le journal de classe et payer la facture de la crèche.
Deux idées simples pour alléger ça :
1. Des blocs de tâches
- Bloc « boulot » : pendant ces périodes, tu ne touches pas à la maison (pas de vaisselle, pas de linge).
- Bloc « maison » : 15-20 minutes max, deux fois dans la journée (par exemple à midi et à 16h), où tu gères une ou deux tâches ménagères rapides.
- Bloc « administratif » : une fois par semaine, 30 minutes pour les factures, formulaires de l’école, dossiers de mutuelle, etc.
2. Une to-do liste centralisée
Fini les post-it partout. Choisis un seul endroit :
- Un carnet posé près de ton ordi.
- Une appli type Todoist, Google Keep ou Notes.
- Un grand tableau blanc dans la cuisine.
Dès qu’une idée arrive (« penser à prendre rendez-vous chez le pédiatre », « préparer la présentation de lundi »), tu la notes là. Tu vides ta tête, tu ne laisses pas tout tourner en boucle.
En couple : se répartir vraiment, pas « aider »
Si vous êtes deux adultes dans le foyer, et peut-être deux en télétravail, l’organisation se joue à deux. Sinon, c’est souvent la même personne qui porte tout, devine laquelle…
Quelques pistes concrètes :
- Planifier ensemble la semaine : qui télétravaille quel jour, qui gère les trajets école, qui prépare les repas.
- Mettre noir sur blanc : « Mardi et jeudi, je commence plus tôt, tu gères le matin. Lundi, mercredi, vendredi, c’est moi. » Ça évite les disputes à 7h30.
- Accepter que tout ne soit pas fait « comme toi tu ferais » : si ton/ta partenaire gère les tartines ou les vêtements, tu ne repasses pas derrière. Le but n’est pas la perfection, mais le partage.
Une question utile en fin de semaine, autour d’un café : « Qu’est-ce qui a été le plus lourd pour toi cette semaine ? Qu’est-ce qu’on peut ajuster pour la suivante ? »
Petit bilan : accepter que l’équilibre bouge
Il n’y aura jamais de planning parfait. Il y aura toujours :
- Un enfant malade un jour où tu as une grosse réunion.
- Un collègue qui oublie que tu finis à 16h pour aller chercher les enfants.
- Une fatigue qui te tombe dessus et te fait renoncer à travailler le soir.
L’équilibre, ce n’est pas tout gérer sans jamais flancher. C’est accepter que certaines journées soient bancales, mais garder quelques repères :
- Des horaires à peu près stables.
- Des limites expliquées à ton employeur et à tes enfants.
- Un espace de travail identifié.
- Des moments vraiment off, où le boulot attendra.
Et surtout, se rappeler que le télétravail est censé être un outil pour améliorer ta qualité de vie, pas pour te transformer en employé·e disponible 24h/24 tout en jouant à la maman/papa parfait·e.
Tu as le droit de dire : « Là, c’est trop ». Tu as le droit de demander de l’aide. Tu as le droit d’utiliser les solutions qui existent en Belgique pour t’alléger un peu. Ce n’est pas un aveu d’échec, c’est une façon de prendre soin de ta famille… et de toi.
Et si aujourd’hui, ta journée de télétravail a été un chaos total, avec enfant qui pleure en fond sonore de ta réunion Teams… respire. Demain, tu pourras déjà tester une petite chose de cet article. Une seule. Pas tout. Pas parfait. Juste un pas de plus vers un quotidien un peu plus vivable.